mercredi 28 février 2007

Les amis d'Émile (54)

28/02/07 Comment vous décrire une journée comme celle d'aujourd'hui? Je peux sûrement commencer en vous disant que j'aimerais en vivre le moins possible durant les deux prochaines années parce qu'elles sont épuisantes... Elle avait pourtant assez bien commencé avec papa. Émile ne souriait pas mais gardait des yeux clairs et réclamait son petit déjeuner. Lors de mon arrivée, vers 8h15, il est couché dans son lit et écoute la télévision. Il est amorphe et ne répond pas à mes questions. Il chigne et semble être inconfortable. Mon Dieu qu'il a l'air anxieux!!! J'essaie de le réconforter mais il s'agite et ne me répond toujours pas. Même ses grand-mères qui sont venus à tour de rôle ne réussissent pas à le faire réagir. Il souffre tellement. C'est intolérable de le voir ainsi et de ne pouvoir rien faire. Après le diner, je téléphone à la massothérapeute de Leucan, Josée Bouchard, afin qu'elle vienne prodiguer un massage à Émile pour l'aider à relaxer. Il se laisse approcher, effleurer mais sans plus. Il redevient inconfortable malgré une selle très abondante et deux rôties avec du beurre. Après le départ de la massothérapeute, de tante Suzanne (petite soeur cadette de Charlotte) et son ami Pierre (père Noël en vacances), d'André Drapeau, l'aumônier de l'hôpital et ami, il finit par s'endormir un peu. Mais le tube de Levine fait son oeuvre et le réveille en sursaut. Encore une crise de panique où Émile semble très inconfortable et ne répond pas à nos questions...J'en conclus qu'il a besoin d'aller au toilette mais une fois bien installé, rien ne se passe. C'est alors que j'ai une illumination! Tout d'un coup, au lieu de dire à mon bébé d'arrêter de pleurer, je lui dit qu'il peut pleurer et être en colère. Il peut être écoeuré de tout ça. Merde! il n'a que 3 1/2 ans..C'est un bébé!!! Et bien, croyez-le ou non, je crois qu'Émile n'attendait que ça. Il a pleuré à gros sanglots pendant....une heure!! Je pouvais ressentir tout son désespoir, son impuissance mais aussi sa colère et sa peine. Puis il m'a bouleversée en me disant: " maman, je ne veux pas être un grand garçon". En entendant ce cri du coeur, le mien s'est déchiré. Mon bébé, mon petit garçon ne veut pas être un grand. Pourquoi? Parce que c'est trop exigeant d'être raisonnable durant tous ces traitements. Il est écoeuré de s'entendre dire qu'il a fait ça comme un grand. Il a mal, il est malheureux mais ne doit pas le dire, le vivre parce qu'il doit faire ça comme un grand. Mais mon petit amour a raison. Il n'est pas grand. Et même, je ne connais pas de grand qui serait raisonnable devant cette maudite maladie et ses traitements. Alors, à partir d'aujourd'hui, je lui ai permis de pleurer, de dire qu'il n'aime pas ça, d'exprimer verbalement ou non-verbalement sa peur, sa colère et son chagrin. Une situation anormale est anormale. Émile a donc le droit de la trouver difficile. Ensuite, il ne veut pas devenir un grand parce que je lui dis qu'il doit prendre ses médicaments pour guérir et devenir grand. J'ai oublié que dans la tête de mon petit homme, le temps est infini. Alors lorsque je lui dis cela, il peut penser qu'il en a pour toute sa vie. Je me suis donc empressée de le rassurer en lui disant que ça ne sera pas toujours comme cela et que bientôt, il sera guéri et ne prendra plus de médicaments.
Je ne sais pas si c'est le temps ou cette débâcle d'émotions qui a aidé pour bébé mais ce soir, il a mangé comme un ogre (en tout cas, un petit ogre!) et a écouté un film assis sur la chaise berçante. Il nous a même parlés. Finalement, il s'est endormi dans les bras de son père avant d'aller dormir dans son lit où on a eu droit à une dernière crise de larme. Mais pleure mon bébé car tu as mille raisons de le faire...Un jour tu en riras!!!