Les amis d'Émile (96)
23/04/2007 Il est 23:45hrs.
Tout le monde dort dans la maison, sauf papa oiseau de nuit. Je viens d'aller regarder Émile dormir. La cortisone, le tube naso-gastrique et ses cheveux rares et filasses n'arrivent pas à lui enlever sa beauté d'enfant... Dieu qu'il est beau! J'aimerais avoir une camera capable de vous montrer mon fils tel que je le vois, magnifique, confiant en la vie qui, quoique fragile, déborde de sa personne même dans son sommeil.
En fait, cette camera, je l'ai... c'est un poème de François son oncle qui a été publié dans les commentaires des premières semaines de notre blog. Il est passé un peu trop inaperçu et je profite de mon texte de ce soir pour le rééditer à sa vraie place et pour vous traduire par ces vers, crus mais vrais, les sentiments qui nous habitent sur cette étrange planète qu'est la leucémie.
Il est claire
Comme une lune reluisante de sueur
Que mon petit prince souffre
J’ai beau me fermer les yeux
Au risque même de me fracturer une paupière
J’ai beau me boucher les oreilles
Et hurler a tue-tête comme un affamé
Hélas ! Mon petit prince va encore souffrir
Je sais
J’aurais beau le gaver de mon sang
Tel un vampire rongé par les remords
J’aurais beau braconner sa souffrance
Tel un boucanier sous l’emprise de la colère
J’aurais même beau l’aimer de toutes mes forces
Aussi faibles soient-elles
Hélas ! Mon petit prince va encore souffrir
Je sais
Même si tes sujets te dessinent une petite boite
Où un mouton piétine ton supplice
Même si tes serviteurs les yeux en berne
Tentent de pétrir l’argile de ton bonheur
Même si le biceps de ton courage se gonfle
Pour triturer le cœur délétère de ton ennemi
Même si je revends mon petit âme au diable
Hélas ! Mon petit prince va encore souffrir
Il est claire
Comme une mirifique étoile en détresse
Que tu possèdes la hargne d’un kamikaze
Que tu as su rénover notre rage en espoir
Que tu es un guerrier fougueux tels milles soleils
Que tu es beau même si ton écorce se fane
Que tu vas guérir parce que je t’aime tout simplement
Il est maintenant claire que je sais
Oui ! Mon petit prince va toujours sourire
(F. Brassard, janvier 2007)